Chapitre 19
— Est-ce que tu as… euh… vu Sinclair dans le coin ce soir ?
Jon renifla d’un air dédaigneux.
— Pas vraiment. On reste le plus loin possible l’un de l’autre. J’ai cru comprendre qu’il n’était pas fou de joie à l’idée que je vive ici.
— Ce n’est pas sa maison, à ce que je sache, rétorquai-je. (Bien, Betsy ! Défoule-toi sur le gamin parce que ton fiancé refuse de te parler) Désolée. Je suis de mauvaise humeur ce soir.
— Parce que tu ne t’es pas nourrie ? demanda-t-il, plein d’espoir.
Il avait ouvert son smartphone de façon à pouvoir taper sur le petit clavier.
— Non, je m’en occuperai une autre fois. Écoute, Jon, si j’accepte de te rendre ce service, il faut que tu fasses quelque chose pour moi en contrepartie.
— Je comprends très bien, Betsy.
Il jeta un coup d’œil autour de nous : nous étions seuls dans l’immense salon. Nous nous y étions réfugiés après avoir été chassés de la cuisine par la gouvernante de retour du supermarché.
— Je, euh… n’approuve pas ce, euh… ce genre de choses, mais comme tu es… Je veux bien faire une exception pour toi. (Il retira courageusement son tee-shirt en s’approchant de moi.) Et puis, ça fera bien dans le livre.
— Beurk ! Non ! (Quand je le repoussai, il vola par-dessus le canapé et retomba sur le tapis. Sa chute souleva de la poussière. Il toussa. Je paniquai.) Pardon, pardon, pardon ! m’écriai-je en me dépêchant de contourner les meubles pour l’aider à se relever. Je ne voulais pas te pousser si fort.
— Pas grave, hoqueta-t-il entre deux quintes de toux. Ma faute.
— Non, c’est la mienne. Je n’aurais pas dû rester aussi évasive. Non, j’ai bien peur que la faveur que j’ai en tête soit bien pire que me laisser boire ton sang.
— Peu importe de quoi il s’agit, répondit-il en s’étouffant. Je le ferai. Mais avant ça, tu ferais mieux d’appeler quelqu’un avec un aspirateur… le plus vite possible.
— Tu sais à qui tu parles, là ? Je ne pourrais pas trouver un aspirateur même si tu appuyais un revolver contre ma tempe. Ce que tu as déjà fait, je te rappelle.
Le rouge aux joues, il s’assit sur un fauteuil face à moi.
— Tout ça, c’est du passé.
— Et la communauté vampirique t’en est reconnaissante, je t’assure.
— On est censés parler de toi. Pourquoi ne commences-tu pas par le début ?
— Alors… Je suis née dans une petite ville du Minnesota appelée Cannon Falls. J’y suis allée à l’école primaire. Mme Schultz était mon instit préférée. On a déménagé à Burnsville quand j’avais…
— Stop ! m’interrompit-il. Je voulais dire le début de ta vie vampirique.
— Oh ! Alors ça va être une biographie très courte. Il ne m’est pas encore arrivé grand-chose, après tout. En tant que vampire, je veux dire.
Il leva les yeux au ciel.
— Betsy, je t’apprécie vraiment. Tu es gentille et tout… mais qu’est-ce que tu peux dire comme conneries !
— Ce n’est pas vrai ! Ça ne fait même pas un an que je suis un vampire alors que j’ai été humaine pendant… au moins vingt-cinq ans. Pour tout te dire, l’élection de Miss Burnsville a été bien plus stressante que la politique vampirique.
— Tu m’en parleras plus tard, si j’ai besoin de meubler, me promit-il, mais je savais très bien qu’il me mentait. Rentrons dans le vif du sujet.
Je soupirai.
— D’accord, d’accord. Le vif du sujet. Alors, je suppose qu’il faut que je commence par le dernier jour de ma vie… Autant te le dire tout de suite : ça craint. En fait, le jour de ma mort avait mal commencé et a empiré dans la foulée…